Questionnaire

#1

Défi de Gribouille-book à David Pascaud (janvier 2016)

Présentez Araldus en 10 lignes sur le mode Thriller : « Il veut se forger un nom, une place, un destin. »

Comment va-t-il marquer sa présence dans ce monde ? Une trace, il faut une trace !

Il ne cesse d’y penser, jusqu’à l’obsession.

Il décide d’utiliser la seule arme qu’il ait à sa disposition, la plus mal aiguisée qui soit, la moins fiable : lui-même.

Face aux dieux qui l’écrasent, écrasent tout, ont le pouvoir de l’effacer, d’un souffle.

Face à la Nature qui l’enserre, pénètre son corps et cherche à l’affaiblir par la maladie, l’usure, la vieillesse, la faim…

Face aux siens - les autres -, les puissants bien-nés qui le ligotent et ont le droit de punir ; les faibles qui le jalousent, prêts à le frapper dans le dos.

Face à ses propres peurs, ses doutes, véritables ennemis intérieurs qui brouillent sa raison, font vaciller sa volonté.

Combat inégal, perdu d’avance ? - la victoire sera de lutter, toujours : penser, agir, commettre…

 

#2

David Pascaud, depuis quand écrivez-vous ?

Je ne saurais vous dire pourquoi j’écris, il faudrait que j’en parle avant à un psy. Histoire d’avoir quelques certitudes. Je ne sais plus exactement le point de départ de cette graphomanie. Les jets d’encre les plus anciens sont des poésies de jeunesse griffonnées sur feuilles d’écolier que je garde pieusement dans un tiroir. J’ai exercé plusieurs années comme pigiste de presse et enquêteur-rédacteur dans l’édition touristique, parallèlement à mon statut de maître auxiliaire, sorte de Lumpenproletariat de l’enseignement. Écrire permettait d’arrondir les fins de mois, d’où peut-être ce lien organique autant que cérébral que j’ai gardé avec l’écriture. [extrait chronique G. Média]

#3

Quelles ont été vos premières expériences de publication ?

Un premier livre est édité en 2003 : un ouvrage sur Poitiers, format à l’italienne, joliment illustré par le photographe Dominique Bordier. J’avais en charge la rédaction des textes et des légendes. Après la photo, le dessin en 2004 : un groupe de musique, « Les Ducs » (qui est aussi une bande de copains), me demande une participation pour un album de BD, Musique en planches, consacré à ses chansons… Mon écriture reste donc en rapport avec l’image. Plus ou moins consciemment le visuel m’influence. C’est en tout cas l’avis de quelques lecteurs qui trouvent que mon écriture a un côté cinématographique qui se confirme avec Araldus, découpé en 24 séquences. Un ressenti surprenant mais très intéressant. Étant sensible à la musicalité de la langue, quand j’écris il me semble que je me concentre au moins autant sur le phrasé, les rythmes, que sur les images créées dans l’esprit du lecteur.

Quand je me suis essayé à la fiction narrative, j’ai d’abord rédigé des récits courts sans chercher à me spécialiser dans un genre précis. Je tends vers le mélange. J’ai toujours ressenti de la défiance envers les étiquetages, et j’ai moi-même du mal à classer mes textes : l’ironie, l’histoire, le fantastique, le polar… quand ça plait, aucune raison de se priver ; en plus, brouiller les pistes est un jeu agréable.

Une maison d’édition niortaise, Booxmaker, s’intéresse aux Nouvelles d’un vaste monde en 2013. C’est ma première publication de fiction et en même temps la découverte de l’univers numérique. Les nouvelles publiées ont été perçues comme étant « dans un registre entre doute et inquiétude, à la lisière du fantastique ». Il est vrai qu’elles étaient axées sur des ambiances étranges, parfois effrayantes, parfois teintées d’humour noir. Mais d’un récit à l’autre, changement d’époque, de style, j’aime varier les sources d’inspiration, passant d’une histoire d’amour contrarié contemporaine aux ruminations mentales d’un collabo des années 40, ou encore d’une sorcière du XVIIe aux errances d’un immigré africain perdu dans une grande métropole occidentale… D’où ce « vaste » monde. Le point commun entre toutes ces histoires ? Elles s’intéressent à l’évolution d’un individu, homme ou femme, jeune ou vieux, d’ici ou du bout du monde, dans un milieu donné avec ses règles, ses carcans. L’humain m’intéresse, quel qu’il soit, d’où qu’il soit.

Avec Araldus, j’ai gardé cette envie de suivre un individu, de comprendre ses choix et sa psychologie.

Première mouture il y a dix ans. Le texte est gardé au chaud, retouché par-ci par-là au fil des ans. En attente. Début 2015, Jean-François Pissard (vieille connaissance des années Petit Futé et Pictavien) des éditions Jerkbook me contacte et me dit qu’il est intéressé par le roman. Je le dépoussière, le récris au présent, ajoute des chapitres. Il est publié en e-book depuis septembre 2015. [extrait chronique G. Média]

#4

Présentez-nous le roman ARALDUS. De quoi parle-t-il ?

« L’horizon. Il tourne la tête, tourne sur lui-même. La ligne de l’horizon tout autour de lui, qui l’encercle. D’ici il embrasse le tout, le connu et l’inconnu ; il ressent la joie et la peur. »

Ainsi commence le récit. D’emblée, il est centré sur un personnage : ce qui l’entoure est encore inconnu pour lui, angoissant et excitant à la fois, et paraît sans limite. Parler du roman, c’est évoquer Araldus lui-même, personnage éponyme. Car il s’agit surtout de l’histoire d’un homme, c’est pourquoi j’ai gardé ce titre, au départ provisoire. Titre épuré qui me plait par sa simplicité, et en même temps il reste un peu énigmatique… et ça racle un peu quand on le prononce.

Pour résumer, le roman raconte l’histoire du fondateur de la ville de Châtellerault au Xe siècle, à 30 km de Poitiers. Le comte de Poitou Eble (personnage historique authentique) a confié la surveillance des terres du nord de son comté à l’un de ses vassaux, Araldus (ou Airaud). Celui-ci va accomplir son devoir du mieux qu’il peut, avec une pointe d’opportunisme. Il se confrontera à des difficultés qui l’amèneront à des choix douloureux. [extrait chronique Média G.]

#5

A quel genre littéraire peut-on associer ARALDUS ?

J’ai veillé à ce qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture, chaque lecteur pouvant s’approprier librement le récit, selon sa sensibilité, son envie du moment. On peut lire Araldus pour se divertir, pour s’instruire sur une période historique, pour réfléchir : aucune lecture n’est méprisable.

D'abord, on a affaire à un roman historique, avec les ingrédients de pittoresque, d’action et de rebondissements propres à ce genre : on se bat, complote, s’allie, s’accouple. Une histoire faite de sang, de sueur et de larmes : je pense avoir été influencé par les Rois maudits de Druon ou encore Néropolis de Monteilhet, bouquins haletants qui immergent totalement le lecteur en des temps anciens. [...] Ancien étudiant en histoire médiévale et enseignant cette discipline, j’ai gardé des automatismes et je me suis imposé de la rigueur dans la transcription du Xe siècle, époque coincée entre l’ère carolingienne et la féodalité, et qui échappe aux clichés habituels sur le Moyen Âge. Pour cerner cette période charnière mal connue, j’ai dû potasser des heures dans les médiathèques, les centres de documentation… Fréquenter les musées, notamment Sainte-Croix de Poitiers, ressortir des vieux cours de fac qui dormaient dans leurs chemises cartonnées, assister à des conférences… Et arpenter des centaines de chemins creux de ma région, tout ça pour retrouver un vieux mur oublié, tomber nez à nez sur un vestige de statue, ou simplement observer un paysage rural du Poitou encore préservé : le but était de s’imprégner de ce qu’avait pu être le quotidien de ces hommes et de ces femmes. J’ai pris des notes, à la Zola, j’ai compilé… Il fallait s’informer aussi bien sur le contenu des écuelles (car les gens du Xe mangeaient eux aussi !) que sur la situation politique de cette époque, faite de fragilisation du pouvoir public, de rivalités entre clans, de violences… Des échos à notre propre époque.

Ce roman est donc aussi une approche plus intemporelle des formes de pouvoirs qui s’exercent sur l’individu et de la façon dont celui-ci va s’en accommoder. Araldus n’est pas qu’un petit sire poitevin du Moyen Âge, c’est-à-dire un homme d’un temps et d’un lieu : il est aussi chacun(e) d’entre nous. Il médite, il doute, sa vie est faite de passion et de réflexion, d’impulsions et de calculs. Ni sympathique ni antipathique, il est simplement humain. Derrière le guerrier petit seigneur, il y a un être, aimant sa femme, soucieux de ses enfants, entouré d’amis, d’ennemis. Son castrum (château en bois) peut se voir comme une métaphore : c’est ce rêve plus ou moins secret de chaque être humain qui donne un sens à sa vie. C’est ce pour quoi on veut lutter, avancer, il peut faire commettre des excès, mais il peut aussi s’évanouir en fumée. C’est dans cet esprit qu’a été écrit ce roman qui est celui de l’ambition et de l’affirmation de soi malgré les carcans sociaux, politiques, religieux. Et de la transmission qui en découle : que laissera Araldus ? Moi-même, j’avais dédié la première version du roman à mon fils et à mon père, car j’ai beaucoup pensé à l’un et à l’autre en l’écrivant, conscient d’être le maillon d’une chaîne immense. Le thème du cycle apparait souvent, il y a beaucoup de rondeurs, de cercles, tangibles ou symboliques, dans ce texte : première et dernière scènes se passent au même endroit à quarante ans d’intervalles… Araldus est-il parvenu à quelque chose dans sa vie ? Chacun cultivera son idée ; moi j’ai la mienne. Mais je ne l’imposerai pas au lecteur. Chacun son Araldus, chacun son castrum... [extrait chronique Média G.]

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